J'habite en région maintenant. J'adore ma nouvelle vie, mais je ne me sens pas toujours en sécurité de m'afficher Queer dans ma ville d'adoption. Un soir qu'on parlait de la possibilité d'aller dans un bar du coin, et que ma blonde et moi exprimions nos inquiétudes de ne pas se sentir bienvenu·e·s, notre pote hétéro s'est exclamé qu'il ne pouvait pas y avoir de danger. « Ben voyons » qu'il a dit, il n'y a plus d'homophobie ici!
Pour lui, dans sa vie d'hétéro et dans son cœur sans malice, oui, peut-être que l'homophobie n'existe pas. Pour nous, cible de petites et grandes violences quotidiennes, je vous promets que c'est encore d'actualité. On choisit les lieux et les moments où on se donne la main, on jette toujours un coup d'œil autour avant de s'embrasser en public. On remarque les commentaires, les regards, les présomptions. Chaque jour est l'occasion d'une nouvelle micro-agression. On les appelle micro-agressions parce qu'elle se passe à petites échelles, pas parce qu'elles ne sont pas violentes.
N'importe quel espace occupé principalement par des personnes Queers devient un espace Queer. Les espaces Queers sont infiniment importants à notre bien-être. Ce sont les seuls espaces où l'on peut réellement baisser la garde. C'est dans ces lieux que l'on trouve notre voix, notre famille. Il existe une version de moi qui n'existe que dans ces sanctuaires. Une attaque dans un espace Queer est une attaque au cœur de notre communauté. On a connu pire et on va se relever, mais bordel que ça fait mal de voir un espace Queer être le théâtre d'attaques aussi violentes.
À l'aube de sortir un album qui parle de ma joie Queer et trans je suis hyper conscient que ma visibilité a le potentiel de me transformer en cible d'encore plus de violences queerphobes et transphobes. Je ne sais pas si c'est de la stupidité ou du courage, mais plus je suis témoin de violences envers ma communauté, plus j'ai envie de chanter et danser pour elle. Avec Elle.
Voici un poème inspiré de la tuerie du club Q à Colorado Springs ce mois-ci et de celle du Pulse à Orlando à l'été 2016.
On nous tire dessus pendant qu'on danse
On nous agresse quand on s'embrasse
On nous déteste de s'aimer
On nous tire dessus pendant qu'on danse
Mais on est des grand·e·s romantique
Il faut y croire fort à l'amour pour s'aimer encore quand on nous hait de le faire
On nous tire dessus pendant qu'on danse
On veut nous voler notre amour
Celui qu'on a miné à même nos corps meurtris
polie en pierres précieuses
Flamboyantes
Et indestructible
On veut nous voler notre joie
Mais l'amour ça se multiplie
Ça ne se divise pas
On nous tire dessus pendant qu'on danse
On danse encore
Malgré la haine
À cause d'elle
On danse encore